« Avec Bayrou, il se passe quelque chose »
Interview de Michel Mercier, président du conseil général du Rhône
Lyon capitale : François Bayrou fait une percée dans les sondages. Alors heureux ?
Michel Mercier : Oui, heureux. Je ne pensais pas qu’on arrive aussi
vite, aussi haut. Mais le but, c’est de gagner l’élection. Savoir
pourquoi on est à 19% et ce qui reste à faire pour être à 50.
Comment expliquez-vous cette percée ?
Depuis 1978 – un paquet d’années – on explique aux Français qu’il y
a la moitié de la France contre l’autre. Et ils ont vu l’immobilisme,
l’absence de réforme et de progrès et 1200 milliards de dettes. La
crédibilité de Bayrou, c’est qu’il a su résister et qu’il a construit
un centre qui tient la route.
Bayrou peut-il s’effondrer comme Chevénement en 2002 ?
Non, François Bayrou a une solidité, une vraie résonance dans le
peuple. Mais maintenant qu’il est à 19%, je sais que ça va canarder
dur. Sereins et lucides, on va résister à la tenaille PS-UMP. On a
l’habitude !
Votre stratégie va-t-elle rester la même : taper fort sur Sarkozy pour séduire la gauche ?
C’est vous qui le dites ! Bayrou critique autant à droite qu’à
gauche. Dans son discours sur la social-économie, il a beaucoup
critiqué le programme de Madame Royal qui est d’ailleurs tout sauf un
projet.
Bayrou a promis un premier ministre de gauche.
Ecoutez, Bayrou n’est pas socialiste et il ne va pas le devenir.
Mais si on invite les gens de gauche à table, ce n’est pas pour qu’ils
fassent la vaisselle dans la souillarde ! On ne veut pas de ralliement
à la Sarkozy ou à la Mitterrand. Bayrou veut un vrai rassemblement,
dans le respect de l’identité de tous où le gaulliste amène sa
sensibilité sur la patrie, le centriste sur l’Europe, le socialiste sur
la justice sociale. On additionne.
Dans Face aux Français sur TF1, Ségolène Royal a
fait plus d’audience que Nicolas Sarkozy mais elle a moins convaincu.
Comment expliquer ce paradoxe ?
Madame Royal a pour elle d’être une somme de points
d’interrogation. Il y a une sorte de curiosité : va-t-elle y arriver ou
se casser la figure dans l’émission ? C’est le côté jeu du cirque qui a
suscité la curiosité du public. Mais, sur le fond, c’était : « oui à
tout le monde et je paierai avec la croissance ». Elle n’a donc pas
paru très convaincante.
Est-il plus compliqué de mordre sur Sarkozy ?
Il y a très longtemps que nous n’avons pas eu en France un candidat
de droite à l’aise dans son programme de droite, c’est très nouveau. Il
paraît donc sincère, convaincant, dans cette logique de droite. Mais on
peut convaincre sans emporter l’adhésion. C’est ce qui se passe
Si Bayrou est élu, il y aurait formation d’une
majorité présidentielle avec députés UMP, PS, UDF. Le retour à la IIIe
République ?
On peut toujours trouver dans une idée neuve, une réminiscence
historique, c’est très français. Mais l’idée neuve de François Bayrou
est une idée de bon sens, c’est pour ça qu’elle peut avoir été utilisée
dans le passé. Et ce ne sera pas une histoire de coalitions partisanes
politiciennes. Ce sont les Français qui auront décidé par leur choix
présidentiel de faire travailler droite, centre et gauche dans une
majorité présidentielle.
Qui incarnerait l’opposition ?
Les extrêmes des deux côtés. Je ne parle pas des extrémistes.
Sarkozy et Royal tapent désormais sur Bayrou.
Pour eux, rien n’est plus important que de sauvegarder la coupure
de la France en deux. C’est l’assurance d’être au pouvoir ou d’y
revenir le coup d’après. Ces attaques conjuguées sont un formidable
atout pour Bayrou. Leur affolement est l’aveu qu’il les gêne dans leur
jeu à deux.
Pourquoi la gauche est-elle la plus dure ?
C’est la gauche qui a le plus peur. Elle espérait revenir au
pouvoir, cette fois, c’était « son tour ». Quand Hollande dit : il ne
peut y avoir qu’un 3e homme, c’est Le Pen, c’est scandaleux. C’est
l’aveu que la gauche ne peut gagner qu’avec un Front national fort.
Mitterrand savait y faire, il y avait le romantisme, la culture,
l’histoire et la connaissance profonde de la France. Hollande, ce n’est
que l’arithmétique de l’ENA.
Pour reconquérir le terrain, Royal rappelle éléphants et notables. Bonne stratégie ?
Madame Royal a été choisie par les médias parce qu’elle était hors
du système. Remettre le système en place, c’est abandonner son
originalité et sa fraîcheur.