« François Bayrou incarne vraiment un autre choix »
Paris Normandie - 29.01.07 - Interview d'Hervé Morin
Chaque lundi, nous vous proposons un rendez vous avec une personnalité politique régionale. Aujourd’hui, Hervé Morin. Vice-président de l’UDF, il s’explique sur « l’autre choix » qu’incarne François Bayrou à la présidentielle. Le député de l’Eure revient sur les promesses de Nicolas Sarkozy, les déclarations de Ségolène Royal et sur ses collègues de l’UDF, tentés par l’UMP.
Votre candidat, François Bayrou est maintenant en troisième position dans les sondages. Est-ce pour vous encourageant ?
Hervé Morin: "Nous sommes dans la position qui consiste à proposer à
nos compatriotes un autre choix que celui de l’UMP ou du PS, le modèle
que connaissent les Français depuis 26 ans. Nous ne concourrons pas
pour la troisième place mais pour gagner en partant d’une idée simple:
notre pays dispose d’atouts formidables mais connaît de gigantesques
difficultés avec un chômage massif depuis 25 ans, un endettement comme
jamais nous n’en avons connu, des banlieues où il n’a été apporté
aucune réponse, des universités dans un état lamentable et le tout avec
un niveau de prélèvements obligatoires extrêmement élevés. C’est à cela
que nous entendons répondre".
Par quels moyens ?
H.M.: "L’heure est grave mais notre pays a tous les moyens pour
s’en sortir si les Français en finissent avec la guerre de tranchées où
le camp qui est dans l’opposition ne cherche qu’une seule chose:
empêcher l’autre d ’agir et critiquer systématiquement. L’alternative
est de rassembler des hommes et des femmes qui ont la même conception
de la société: c’est-à-dire une économie de marché mais avec des
solidarités. On en trouve aujourd’hui autant à gauche qu’à droite et
c’est l’idée que défend François Bayrou, le mandat qu’il estimera avoir
du peuple français s’il est élu. A chaque fois que la France a été à la
croisée des chemins, c’est ce qui a été fait.
En 1958, le général De
Gaulle avait dans son gouvernement Guy Mollet qui a participé à la
rédaction de la Ve République et pour prendre un exemple plus normand,
Pierre Mendès-France devenant président du Conseil pour régler la
question de l’Indochine voyait dans son gouvernement cohabiter des
hommes de valeur comme André Bettencourt, le général Koenig et Jacques
Chaban-Delmas. François Bayrou incarne un autre choix que l’option
classique, binaire et sans avenir ".
François Bayrou accuse Nicolas Sarkozy de raconter des histoires sur la baisse des prélèvements obligatoires. Expliquez-vous ?
H.M.: "Nous avons un déficit budgétaire entre 40 et 50 milliards
d’euros. Nicolas Sarkozy a déjà annoncé près de 70 milliards d’euros de
dépenses nouvelles selon les estimations des économistes et il promet
une baisse de prélèvements obligatoires de 70 milliards d’euros tout en
réduisant le déficit de moitié. Ce qui veut dire la bagatelle de 180
milliards d’euros de promesses. On est reparti pour la gloire des
campagnes de Jacques Chirac où l’on promettait tout avant l’élection
pour ne rien faire après. Que proposons nous ? Pas de baisse ni de
hausse des prélèvements obligatoires tant qu’on n’aura pas réduit le
déficit. Toute baisse d’impôts doit être accompagnée d’une baisse de la
dépense publique, sinon ces baisses sont faites à crédit que nos
enfants paieront".
Que vous inspirent les dernières déclarations de Mme Royal en matière de politique étrangère ?
H.M.: "Pour prendre une expression que les Normands du littoral
comprendront bien, ce sont des bourdes l’une après l’autre qui
finissent par ronger la falaise avant qu’elle ne s’effondre dans la
mer. S’agissant du Québec, c’est comme si Romano Prodi, président du
Conseil italien, nous donnait des leçons en souhaitant l’indépendance
de la Corse. Le Canada est un pays démocratique. Laissons nos amis
québécois régler cette question. Le plus gênant, c’est que cette sortie
sur l’indépendance du Québec vient après celle de la Chine, où lors de
son voyage, Ségolène Royal a trouvé le moyen de nous dire que sur
certains points, la justice chinoise pouvait servir d’exemple. Je
laisse aux Français le soin d’apprécier".
Plusieurs élus UDF s’interrogent sur leur soutien à François Bayrou et sont tentés par l’UMP. Qu’en pensez-vous ?
H.M.: "C’est à la marge. Jamais je n’ai vu les députés et les
sénateurs UDF aussi motivés et confiants dans la démarche de François
Bayrou. Qu’il y ait deux ou trois faiblesses alors qu’on s’approche des
législatives est dans l’ordre d’une une certaine tradition politique...
qui est celle de se prêter à tout pour conserver son siège".
Propos recueillis par Christophe Preteux